Selon Heidegger, la poésie, c'est « faire une expérience avec la langue » : définition très large, ouverte à de multiples expériences, et qui a été explorée durant tout le XX° siècle - la France étant probablement en cette matière l'un des pays les plus inventifs - jusqu'à arriver à des formes éclatées, étranges... Parfois, aussi, rejetées! Mais après tout, ainsi que le disait MIRO : « Ce n'est peut-être pas de la peinture mais je m'en fiche »...

Quelle que soit sa forme, la poésie joue avec le mot, cherche à lui donner un sens nouveau, à le libérer du poids de son contexte.

Elle brûle aussi de l'envie de se mêler aux autres arts... Ainsi, très tôt, les poètes ont été séduits par les possibilités ouvertes par les moyens d'enregistrement sonore: dès 1920, Apollinaire, fasciné par le phonographe, rêvait d' « un art des sons et des lumières ». Un courant de recherche s'est développé après lui, qui vise à établir des connexions entre poésie, musique et univers sonores ; ainsi naît la poésie sonore, qui aboutit à créer des univers très singuliers - et indéniablement surprenants pour des oreilles non-initiées...

L'audition, ce matin-là, de plusieurs enregistrements, révèle cependant qu'une fois passé l'effet de surprise (et l'état de stupéfaction muette parmi les auditeurs, en tout cas ce fut mon cas!), le rire naît, libérateur et bienfaisant, à l'écoute des oeuvres de Christophe Tarcos, et rappelle combien le comique est indissociable de la poésie : au cas où nous l'aurions oublié...

Ceci dit, Jean-Michel Espitallier a également exprimé avec force que la poésie, en tant qu'art, impose une discipline: un artiste, c'est d'abord une personne qui s'engage, qui engage sa vie, et qui travaille.

Et moi j'ajouterai que le but et le résultat de ce travail sont d'ouvrir sur le monde, sans cesse, de nouvelles fenêtres; libre à nous, ensuite, de nous y pencher pour faire nos propres découvertes...