INTRODUCTION

Quelles sont les questions que les enseignants se posent dans l’approche des lectures des textes auprès de leurs élèves ?

• Apprendre à moduler sa voix.
• Mise en voix : Difficulté des élèves à placer leur voix, à prendre le ton. Ils n’arrivent pas à se mettre dans le personnage.
• Poser sa voix, le ton, le souffle. Difficultés à capter l’attention, impliquer le public.
• Relaxation, puis jeu avec les mots, la voix, l’intensité de la voix. Par petits groupes, sur scène.
• Travail sur l’émotion corporelle jusqu’à la pratique de la danse. Faire lire les enfants en variant le ton, avec gourmandise. Certains élèves se lancent, d’autres sont coincés (Cf regard de l’autre)
• Souci : décoincer certains. Même une fois le texte exploré, les élèves ont du mal à s’investir physiquement, malgré qu’ils aient le ton.

Alain Méneust précise que selon lui, certains mots prononcés par les enseignants posent problème car ils créent des distorsions avec sa manière d’aborder et de travailler la lecture des textes. Par exemple : le ton. L’émotion est dans la salle et non sur le plateau. Le ton est une musique de l’oreille. Le risque avec l’enfant, si l’on se fie au ton, est de lui donner une musique ou tel sens, tel ton.
Hors, il est souhaitable pour le lecteur de ne pas plaquer ses sentiments et ses émotions. Cela crée une ambiguïté dès le départ.
L’idée à poursuivre consiste plutôt à inviter le public et les auditeurs à entrer à travers un texte, une phrase, des mots.

THEORIE …

Il existe deux manières complémentaires d’aborder le texte :

1. La technique : le mot en tant que tel passe d’abord par quelque chose de physique, dans un rapport sonore et respiratoire au mot.
2. L’intention : Comment on la développe chez le lecteur ? Quels outils pédagogiques mettre en place pour que l’enfant comprenne que c’est lui qui met en place la signification des mots, du texte ?

Il s’agit d’amener l’enfant à trouver son chemin dans le texte. Et d’éviter qu’il ne passe à côté des mots, de leur sens, de la mise en bouche. Il s’agit d’amener les enfants à appréhender les mots en tant que matière, gourmandise.

S’exprimer : Au travers du théâtre, de la lecture, on récupère son corps et sa capacité de combattre et de se battre dans la société. A des moments, on est maladroit. Par la lecture, et l’apprentissage de l’engagement et de l’investissement du corps on peut l’être de moins en moins et développer la confiance en soi et l’affirmation de soi.

Souvent, les enfants éprouvent des difficultés à travailler les textes sans sens. Cela pose la question de la place que l’on accorde au sens.

Pour Alain Méneust, il vaut mieux se méfier du sens, de la volonté de comprendre.

Face à un texte, avant même de l’aborder, il faut se demander : Quelle est la partition (respiratoire, rythmique, etc.) ? C’est écrit comment ? Comment fonctionne une écriture du point de vue du lecteur, du « diseur » ?

Démarche à adopter :
1> Je repère
2> J’exécute
3> J’interprète

Au-delà de la question de l’expression, il y a la question du corps, de l’éducation du corps. Comment inventer des outils qui rendent part du sens en mettant le corps en action, en respiration, en intentions, en émotions ?

Démarche à adopter :

  1. J’accueille le texte en moi.
  2. Il me traverse.
  3. Il en sort.
  4. Il est entendu.

Le texte est profondément modifié par le corps.

LECTURE …

1. Le monde, point à la ligne de Philippe Dorin

Un texte est une matière à jeux.

Lecture collective :
Lire en chœur, travailler le chœur par des petits jeux. Cela met en question l’écoute. Souvent, quand on lit, même à voix haute, la bulle se resserre et se ferme autour de soi. D’où la nécessité de développer chez l’enfant l’écoute de soi et des autres (volume sonore, rythme, etc.), par des petits jeux, des outils.
Se décontracter du sens du texte en instaurant des jeux de lecture.

Exercices :

  • Proposer à un lecteur de prendre un rythme qu’il choisit puis donner comme consigne au lecteur suivant de prendre le rythme du premier lecteur.
  • Proposer un travail d’imitation. Le travail vocal et le placement de voix commenceront alors à se faire.
  • Travailler durant une séance d’une heure sur une toute petite partie d’un texte et développer des jeux de lecture.
  • Prendre un texte de théâtre comme un matériau de travail, de déconstruction, etc.
  • Travail de coopération entre les enfants sur un jeu de lecture.
  • Travail de la voix, du rythme
  • Observation de la géographie d’un texte (Cf. une partition)
  • Faire entrer un élément rythmique
  • Jeu de traduction

Grands principes :

  • L’intention

Le ton est le résultat de l’intention que le lecteur mobilise et sollicite en lui-même.

  • Le texte=la partition

S’accrocher au texte. S’y soumettre. On arrivera alors à entendre quelque chose. Le sens d’un texte est produit en fonction de son architecture. Exemple : Ponctuations = Respirations.

  • Articuler, respirer, silences = les meilleurs appuis

Cela permet en effet à l’acteur et au lecteur de se repérer et de prendre du recul avec le texte. Le lecteur se pose, puis se projette sur l’autre phonème. Démarche à adopter: Je me calme, je ne bafouille pas, je repère les autres phonèmes au fur et à mesure. De plus, l’articulation = le plaisir sonore. Le blanc troue le texte. Le silence troue la matière sonore.

Attention à ne pas forcer le texte ! Avoir confiance en l’auteur, en son texte et en les spectateurs / auditeurs. Etre technique. Avoir confiance en soi. Etre simple. Démarche à adopter : Je vois ça, je dis ça. Je ne charge rien.
Le personnage perd le langage : il existe un lien entre cette situation et l'écriture du texte. Philippe Dorin est à la fois auteur et metteur en scène et cela se ressent dans son écriture.

Avant toute recherche de « ton », privilégier la technique de lecture, de rythme, de respiration, d’architecture du texte. Respecter un texte et son fonctionnement : Quel son, quelle rythmique, quelle respiration produit-il ? Le « ton » est l’addition et le résultat de tout ça. Une fois le mécanisme compris, digéré, l’interprétation va venir. Le « ton », c’est ce que reçoit l’auditeur.

Lire en public c’est avant tout s’amuser, essayer des choses avec les mots, avec le texte. Il s’agit aussi d’un plaisir physique. Des univers vont ressurgir de ma lecture. Ces univers vont se teinter par le passage du texte par moi, lecteur.

Si l’on regarde attentivement le texte, tout de suite, on a des éléments d’interprétation.

2. Tête à claques de Jean Lambert

Observation de l'écriture du texte : On dirait des vers. On constate deux typographies dans le texte : Majuscules / minuscules.
Cela pose la question de la respiration. Du respect de l'architecture et de la typographie du texte découle la question du ton et du rythme.
Travailler la distance , comme si les auditeurs étaient éloignés du lecteur.

3. Pinocchio de Joël Pommerat

Rentrer dans les mots et dans les phrases de manière droite. Lire comme une constatation. On projette ce que l’on lit, ce que l’on dit. Lire de manière simple. Pas de manière neutre ou effacée, mais être à 100% dans chaque phonème.

Que l’auditeur entende les mots de l’auteur sans charge, sans jugement. Il faut éviter de développer une charge émotionnelle du texte que l’on lit.
Privilégier l’entrée dans les mots, dans le texte. Etre concret, présent dans le texte pour emmener les auditeurs dans la phrase. Ce sont les auditeurs qui mettent leur propre charge émotionnelle par rapport à ce qui est.
Les procédés d’écritures mettent en place le sens du texte. L’honnêteté du lecteur est de respecter la rythmique et l’écriture de l’auteur.
Le lecteur doit avoir pour exigence d’amener l’auditeur à entendre la géographie du texte.
Par ailleurs, il est important de prendre conscience que ce que vit l’acteur dans son corps donne du sens au texte. Le lecteur doit être « poreux ». La sauvegarde du lecteur est le texte. Il doit s’appuyer dessus.

Seulement après cette première étape de travail, peut commencer le travail d’interprétation. Bien avoir à l’esprit que l’interprétation n’est qu’un rapport technique au texte. On ne met surtout pas de ton. L’auditeur entend quelque chose quand même.

4. Lecture collective

Consigne : Possibilité d'entrer dans la lecture aux signes de ponctuation. Si deux ou trois lecteurs prennent la parole en même temps, porter jusqu'à la fin de la phrase. Rester dans le même volume, la même tonalité, la même rythmique et la même dynamique que les autres lecteurs. Chaque lecteur doit développer l’écoute de soi et des autres.

Rester dans le flux du texte, mais attaquer, comme quand on coupe la parole. C'est-à-dire, casser et amener ailleurs (=ajout d’un élément supplémentaire). Prendre le pouvoir sur la parole. Créer une dynamique. Surprendre.

Travailler sur l’intention du lecteur. Cela va se traduire sur une dynamique.

Ensuite, on peut entrer à l’intérieur de la phrase.

Modifier la consigne : Entrée des lecteurs n'importe quand. Cela amène à une polyphonie des voix. Superposition, répétition, puis uniformisation, harmonie des voix.

Jeu sonore, jeu verbal, jeu rythmique, etc. Ces jeux permettent d’avoir un point de vue, de développer une idée, une intention d’acteur et de lecteur.

Il est important que le lecteur soit sensible et attentif à ce qui se passe ailleurs, autour de lui.

Modifier la consigne : Le lecteur peut changer l’adresse de sa lecture. On peut amener un jeu où les lecteurs se répondent, s’écoutent, etc.

Créer une tension pour accroître la réactivité et la concentration.

CONCLUSION

A partir de ces principes, l’idée est de créer et mettre en place des outils, des exercices et de développer une méthode.

Considérer le texte comme un matériau de travail. Engager sur la voix, sur le corps.

S’imprégner des fondamentaux et créer des exercices en s’appuyant dessus. Le texte va nous raconter des choses.