INTRODUCTION

Pourquoi une maison d’édition de textes de théâtre pour la jeunesse ?

Emile Lansman a débuté sa carrière autour des textes de théâtre en tant que directeur d’une association belge : Théâtre-Education « Promotion Théâtre ».
Cette association était animée par un principe (ou une utopie ?!) : Å’uvrer à faire transiter les jeunes par l’expérience de la scène et de la pratique artistique pour qu’ils deviennent des spectateurs plus assidus et critiques.
Pour cela, la démarche de l’association a été de mettre en place des partenariats avec les relais de l’éducation : les enseignants.

Au travers de rencontres avec des jeunes, Emile Lansman constate que les textes étudiés et joués à l’école par les élèves sont exclusivement des textes classiques, datant de quelques siècles… Bien souvent, les mêmes textes des mêmes auteurs sont exploités de façon récurrente par les enseignants, conduisant à une certaine lassitude des élèves et des enseignants.
Les jeunes témoignent de leur désir de découvrir des auteurs et de jouer des textes plus actuels, avec des thèmes qui leur parlent, les concernent et reflètent le monde d’aujourd’hui.
C’est une période où la tendance est de revisiter les classiques ou d’adapter des romans, des nouvelles. Des auteurs de textes de théâtre à jouer pour les jeunes ? Il en existe très peu ou ils sont méconnus, car peu d’intérêt leur est porté.

Ce constat motive Emile Lansman et son épouse, Annick Lansman, à se lancer dans la création d’une maison d’édition d’auteurs de théâtre jeunesse.
Au démarrage de leur entreprise, l’objectif est de publier deux textes par an et d’en effectuer le travail de distribution.
Très vite, ils constatent qu’il ne s’agit pas d’un problème belge, mais que cette difficulté et rareté des auteurs et des éditions de textes théâtraux pour la jeunesse concerne plus largement les autres pays : la France, les pays d’Afrique, etc.
Les seuls textes jeunes publics publiés le sont par les compagnies elles-mêmes ou par les Centres Dramatiques Nationaux. Les coûts de ces éditions sont alors inclus dans les budgets de leurs créations.

Parallèlement à l’initiative d’Emile Lansman, dans les années 90, est créée une autre maison d’édition : Très Tôt Théâtre, dont le fondateur est Dominique Béraudy.
Les deux éditeurs travaillent en collaboration et posent comme règle du jeu de publier à l’intérieur de leur édition des textes d’auteurs jeunesse, sans créer de sous catégorie jeunes publics.
Un problème se pose : les 4 textes jeunes publics des éditions Lansman se trouvent être déficitaires. Cela s’explique par un manque d’intérêt pour l’achat de textes de théâtre jeunes publics. De plus, le jeune public n’a pas de pouvoir d’achat. Les textes « adultes » sont souvent achetés autour d’une création. Hors, à cette époque, il n’est pas question de jouer un texte déjà créé par une autre compagnie.
Très Tôt Théâtre éditions va disparaître, Lansman Editeur va résister. A la même époque, apparaît l’édition L’Ecole des Loisirs Théâtre.
Les éditions Lansman comptent aujourd’hui 700 ouvrages, 900 pièces de 50 origines différentes. La première année, 20 titres sont parus dont 4 pour le jeune public.
Parallèlement aux éditions de textes, Emile Lansman lance des projets fédérateurs pour encourager la découverte d’auteurs de théâtre jeunesse.

L’opération « Une scène pour la démocratie »
Appel à projets, adressé aux auteurs : Ecriture de textes de 10 à 12 minutes autour du thème de la démocratie, jouables par des adolescents.
L’idée pour Emile Lansman est de recueillir et éditer des textes à jouer qui peuvent être montés en spectacles patchwork.

A la fin des années 90, en France, les ministères de la culture et de l’éducation montent une opération : Le Printemps théâtral (ateliers de jeunes). Les deux ministères lancent une commande à des auteurs de textes jouables par des jeunes. Deux brochures sont alors publiées et envoyées dans les écoles. Les 1000 exemplaires publiés par les deux ministères sont rapidement épuisés. Ils décident alors, l’année d’après, de débloquer des fonds pour éditer les textes chez des éditeurs français, afin de pérenniser l’existence des Å“uvres. Un appel d’offre est lancé. Les éditeurs français refusent le projet, car considèrent le théâtre jeunesse comme un art mineur.
L’appel d’offre arrive donc jusqu’aux édtions Lansman qui accepte. Ce projet est en adéquation avec sa démarche. Les éditions 3 et 4 circuleront dans les librairies. Cet événement constitue le 1er vrai succès des éditions Lansman, avec, sur chaque couverture, la caution du drapeau français…
Aux parutions 5 et 6, les éditions françaises commencent à râler… Le prochain salon du livre à Paris déclenche un mouvement où plein de collections de théâtre jeunesse se créent chez les éditeurs français.

De son côté, Emile Lansman développe une autre opération.

« La scène des ados »
Appel à projets en 2004-2005 : Textes de 30 minutes, jouables au minimum par 13 jeunes.
250 exemplaires des textes retenus et édités sont offerts à des groupes de jeunes désireux de jouer du théâtre. L’éditeur fait ensuite le tour de ces ateliers pour voir le travail réalisé à partir des textes, puis propose à des programmateurs de centres culturels l’organisation de minis festivals. Un festival de plus grande envergure, pour lequel des auteurs sont invités, clôture l’opération.

La dernière étape du développement des éditions de théâtre jeunesse a été, en France, l’impulsion de Jack Lang, ministre de l’éducation, qui a imposé dans les listes d’ouvrages conseillés aux enseignants par le ministère, 12 pièces de théâtre. Par ailleurs, les éditeurs de théâtre qui n’ont pas de collection jeunesse se développent et donnent naissance à des sections jeunesse.

- Lecture par Dominique Le Déault (Très tôt Théâtre à Quimper) et Karine Montarou (enseignante à Rennes) d’un extrait du texte Des perles d’eau salée de Jean-Rock Gaudreault, éditions Lansman -

Cet extrait illustre le fait que les sujets abordés sont plus proches de la réalité du monde d’aujourd’hui, celle à laquelle les enfants sont confrontés. Les auteurs dramatiques ont envie d’écrire sur des thèmes de leur société.
Se pose la question, lorsque les auteurs viennent de sociétés différentes de celles des personnages et des histoires qu’ils racontent des traces de la société de l’auteur dans son écriture. Se pose aussi la question de l’universalité des thèmes. Des sujets sociaux, des réalités locales de la société dont l’auteur parle sont-ils transférables à d’autres sociétés ? Il semblerait que plus les sujets sont locaux, plus ils ont une portée universelle. Par exemple, les rapports mère/fille.
L’auteur québécoise Suzanne Lebeau écrit et parle aux jeunes des choses qui les bouleversent de nos jours. Par exemple, le thème des enfants soldats.
L’exemple de « La Résistante », d’une auteur italienne, pose la question : Avec quelle légitimité je peux raconter des histoires d’autres pays ? Dans ce texte, les personnages prennent le dessus sur l’auteur.

Le théâtre jeunesse devient aujourd’hui un théâtre de plus en plus politique.

Cela peut poser des questions, parfois, des discussions. Un conseil aux enseignants : Mesurez bien ce que vous faites lire à vos jeunes, ce que vous les faites jouer et comment vous les accompagnez.

Les thématiques des textes sont donc très ancrées dans l’actualité. Les tendances actuelles sont le pouvoir, l’amour, la séparation, la mort.

Les éditions Lansman posent le cadre, le cahier des charges de leur politique éditoriale. Par exemple : des textes dont les sujets amènent à une interpellation citoyenne. Cela ouvre des libertés d’expression à l’intérieur du cadre et représente des défis que les auteurs apprécient. Beaucoup de textes naissent de commandes d’écriture.

Le répertoire de théâtre jeunesse est devenu très riche en très peu de temps.
Des auteurs ne pensaient pas que le théâtre se lit aussi, d’où la collection de chez Lansman, dont la visée est de contribuer à initier à la lecture de textes de théâtre dès l'école primaire.

Emile Lansman aime parfois retravailler les didascalies avec les auteurs, pour la mise en livre. Il veille particulièrement à « l’écrit de l’oralité » et à « l’oralité de l’écrit ».

Pour lui, l’édition est comme une famille. Il aime rencontrer les auteurs qu’il publie. Parfois, il travaille avec eux. Ce sont d’ailleurs des séances de travail très animées. D’autres fois, Emile Lansman n’a aucun rapport avec les auteurs qu’il édite. Mais le plus souvent, il existe une relation étroite et forte entre un auteur et son éditeur.

- Lecture par Valérie Marrec (La Maison du Théâtre à Brest) et Amélie Du Payrat (Très Tôt Théâtre à Quimper) : extrait de Léon Le Nul de Francis Monty, éditions Lansman -

Par ailleurs, la maison d’édition Lansman est engagée dans le soutien à la découverte des écritures théâtrales contemporaines pour la jeunesse en aidant au financement de 250 ateliers scolaires et parascolaires, dont la visée finale peut être le montage d’un spectacle, par exemple. Cette aide peut consister en la prise en charge d’interventions de mise en voix auprès des élèves.

L’opération « Scène à deux »
Le but du jeu, pour les ados participants, est d’aller chercher une scène de théâtre dans des textes contemporains, de la travailler et de la jouer. Cette démarche n’étant pas aisée pour les jeunes, car ils se sentent noyés dans la masse de textes existants. Emile Lansman décide de réorienter l’opération en proposant une liste de textes dans laquelle les jeunes choisissent un extrait.
La première étape : 120 couples/duos se présentent par province belge. Cela donne l’occasion de faire jouer des jeunes et de faire découvrir des textes d’auteurs contemporains aux publics. Parmi ces duos, une sélection est réalisée.
La deuxième étape du projet est de faire jouer, par les duos sélectionnés, une même scène (6/7 minutes) écrite par un auteur spécialement pour cette occasion. Une rencontre avec l’auteur est, par ailleurs, organisée.
La troisième étape est un gala pour un public de programmateurs et d’organisateurs de spectacles. L’objectif est de faire connaître ces textes à un public d’adultes.
L’opération s’est terminée par la publication des 10 textes écrits les dix premières années.

Les tournées d’auteurs
Organisation de rencontres dans les écoles, avec les élèves et les enseignants, dans les bibliothèques avec le public et les bibliothécaires, et aussi de lectures publiques avant les spectacles.

« Amenez vos parents et vos amis au théâtre »
5 à 6 fois par ans, la maison d’édition offre des places aux jeunes qui fréquentent les activités et les opérations organisées par Emile Lansman. A chaque opération, environ 150 places de spectacles sont distribuées par les éditions Lansman.

Résidences d'auteurs
Immersion d’auteurs dans des ateliers de pratique théâtrale, pour l’écriture d’un texte. Chaque année, deux titres édités par les éditions Lansman naissent de ces résidences.

- Lecture par Emile Lansman : extrait de L’épouvantable petite princesse de Geneviève Damas, éditions Lansman -