En mai dernier, Très Tôt Théâtre avait accueilli Jean LAMBERT, auteur et metteur en scène des Ateliers de la Colline (Belgique), avec son spectacle Tête à claques.
Nous avons le plaisir de le recevoir à nouveau avec sa conférence intitulée "Je ne suis pas sûr(e) d'avoir tout compris".

Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris ! C'est le titre que j'ai donné à mon atelier de formation. Parce que j'ai entendu cette phrase prononcée mille fois. Parce qu'elle installe comme un fait qu'il faudrait avoir tout compris d'une œuvre, alors que l'art est remise en question. Et s'il faut comprendre, c'est que c'est affaire de connaissances acquises ou non, d'études réussies ou non, d'héritage social. Or, si l'on ne possède pas ces connaissances, on risque de se sentir illégitime devant une œuvre. Parler de sa perception d'une œuvre, serait alors dangereusement impudique ou révélateur de son état d'infériorité. Mais si l'on n'a pas tout compris, c'est sans doute aussi parce que "les artistes ont fait compliqué" et que peut être voulaient–ils nous exclure, parler entre eux, entre initiés dans leurs cercles privilégiés. Ainsi, puisqu'ils veulent nous exclure, nous les exclurons aussi et déciderons que, définitivement, l'art n'est pas pour nous. Lorsque l'on prononce cette phrase, et je l'ai prononcée, c'est pour fuir. Fuir cette remise en question qu'est l'art. Éviter ce malaise d'être bousculé dans ses certitudes, son cadre de références, ses codes de perception. Éviter de devoir le reconnaître devant autrui ou, pire, d'être perçu dans un moment de désarroi.

Aller à la recherche du savoir, des éléments de la connaissance est une démarche personnelle et nécessaire à l'augmentation du plaisir. Voilà le défi à relever. Oser afficher qui l'on est, d'où l'on vient, avouer ses faiblesses mais affirmer son désir de se mettre en mouvement. C'est le début de la liberté.
Jean LAMBERT